Traitement de restauration d’un daguerréotype stéréoscopique de Warren Thompson

Cet article présente le traitement de restauration d’un daguerréotype stéréoscopique de Warren Thompson appartenant à un collectionneur privé.

L’étiquette au dos du daguerréotype indique son auteur et son lieu de création : «W. Thompson, rue de Choiseul, 22». Warren Thompson était un photographe américain qui officiait dans un studio rue de Choiseul, à Paris (France), de 1853 à 1859.

Qu’est ce qu’un daguerréotype ?

Un daguerréotype est une photographie sur métal, composée d’une plaque de cuivre, recouverte d’une couche d’argent polie comme un miroir. Les particules blanches formant l’image (amalgame mercure-argent) se trouvent à la surface de la couche d’argent. Selon la lumière et l’angle de vue, un daguerréotype peut apparaître sous forme d’image négative ou positive.

Les daguerréotypes ont été inventés par Jacques Louis Mandé Daguerre (1787-1851), à la suite de ses travaux de recherche en collaboration avec Nicéphore Niepce (1765-1833) dans les années 1830. Daguerre a présenté le daguerréotype au public en 1839.

Contrairement aux tirages photographiques, les daguerréotypes sont des images uniques. Pour obtenir une autre image, il faudrait prendre une autre photographie du sujet ou du daguerréotype lui-même.

Que signifie » stéréoscopique » ?

La stéréoscopie est une méthode utilisée pour donner l’impression d’une image en 3D, à partir de deux images en 2D. Elle est basée sur le principe de la vision binoculaire : le cerveau humain crée l’impression de 3D en combinant la perception générée par les deux yeux.

Cette théorie a été présentée à la Royal Society par Charles Wheatstone (1802-1875) en 1838, en même temps que le premier stéréoscope, un instrument qui permettait au spectateur de recombiner deux images 2D très similaires pour obtenir l’impression d’une image en 3D.

Une fois le daguerréotype présenté au public et utilisé par les premiers photographes, Wheatstone s’est adressé directement à plusieurs daguerréotypistes pour créer les premiers daguerréotypes stéréoscopiques.

Constat d’état du daguerréotype

À l’arrivée à l’atelier de restauration de CLC

Le client a apporté ce daguerréotype stéréoscopique de Warren Thompson à notre atelier de conservation parce qu’il était tombé sur le sol. Le verre de protection était cassé et quelques fragments de verre étaient mobiles contre la surface du daguerréotype.

L’observation initiale de l’objet a montré que, à l’exception du verre brisé, le reste du montage protection était en bon état ; toutefois, diverses observations ont indiqué que le montage avait été ouvert auparavant.

  • Le ruban de scellage en papier semblait être en très bon état. Il était également fait d’un papier plus épais que ceux habituellement rencontrés sur les daguerréotypes de cette période.
  • De plus, le dos du montage présentait trois couches de papier noir qui se chevauchaient. La couche de papier inférieure était partiellement recouverte par une deuxième couche de papier, qui était également partiellement recouverte par le ruban de scellage. Ce qui suggérait que le ruban de scellage actuel a peut-être été appliqué par-dessus le ruban de scellage et le carton de fond d’origine.

Pour travailler sur le verre brisé, il fallait ouvrir le montage pour accéder aux deux côtés du verre de protection et retirer les fragments mobiles.

Après ouverture du paquet

Le ruban de scellage a été soigneusement incisé le long des bords afin d’accéder à l’intérieur du montage.

Le montage était composé des éléments suivants :

  • un verre de protection églomisé (peint sur la face interne) ;
  • un système de maintien des deux daguerréotypes : un papier blanc épais et du ruban adhésif en papier blanc, placés directement en contact avec le recto et le verso des daguerréotypes ;
  • un carton de fond en pâte de bois.

Le carton blanc et le ruban adhésif présentaient une fluorescence sous rayonnement ultra-violet (UV), ce qui nous a indiqué la présence d’azurants optiques. Ce qui confirme notre hypothèse concernant l’ouverture du montage. Les azurants optiques sont des colorants qui absorbent les rayonnements lumineux dans les longueurs d’ondes UV ; et réémettent la lumière à des longueurs d’onde situées dans la zone bleue du spectre visible. Ils ont été développés dans les années 1930, pour rendre les blancs plus blancs et pour lutter contre le jaunissement des papiers. Les matériaux composant le système de maintien interne au montage ne sont donc pas des matériaux d’origine.

À l’inverse, le carton de fond était caractéristique de ceux couramment utilisés pour les montages de protection des daguerréotypes en Europe à cette époque.

Exemples de daguerréotypes stéréoscopiques par Warren Thompson dans les collections du National Media Museum (Royaume-Uni) et de la Bibliothèque nationale de France (Source)

Le verre de protection a été sous-peint dans un style qui correspond à l’esthétique caractéristique des daguerréotypes stéréoscopiques en Europe à cette époque. Les daguerréotypes stéréoscopiques de Warren Thompson, réalisés dans son atelier de la rue de Choiseul et conservés dans les collections patrimoniales, présentent une ou plusieurs des caractéristiques suivantes:

  • des fenêtres de passe-partout sous-peints en noir ou brun ; elles sont parfois décorées avec deux lignes de couleur dorée, une autour de chaque fenêtre, se rejoignant en une seule entre les deux fenêtres ;
  • le nom et l’adresse de l’atelier de Thompson sous-peints en orange sur le côté droit ou gauche des fenêtres ;
  • un tampon ou une étiquette au dos du paquet indiquant le nom et l’adresse de l’atelier de Thompson.

Les daguerréotypes stéréoscopiques de Warren Thompson avec des fenêtres sous-peintes en noir, sans ligne décorative dorée, présentent toutes le nom et l’adresse sous-peints en orange. Cette observation peut suggérer que le verre de protection actuel n’est pas d’origine car il ne correspond pas exactement au style employé par Thompson à cette époque. Une analyse du verre et de la composition de la peinture est nécessaire pour confirmer cette hypothèse.

Traitement de conservation et restauration du daguerréotype

Retrait des rubans adhésifs

Le ruban de scellage moderne a été retiré du carton de fond, ce qui a permis d’accéder au ruban de scellage et au papier d’origine. Le ruban adhésif maintenant les daguerréotypes dans le paquet a été retiré pour séparer les plaques du reste du système de maintien. Cela a également permis d’éviter d’altérer davantage les daguerréotypes par le contact entre le dos des plaques et l’adhésif du ruban.

Le verso des daguerréotypes était alors entièrement accessible. Nous avons ainsi découvert que le dos de l’une des plaques était argenté et l’autre non. Cela nous a indiqué que l’argenture des plaques de cuivre a été faite avec deux techniques différentes : par galvanoplastie (argent au dos) et par martelage (cuivre au dos).

Nouveau montage de protection

Pourquoi les daguerréotypes doivent-ils être conservés dans un montage ?

Les daguerréotypes sont des objets très fragiles qui sont particulièrement susceptibles d’être endommagés par deux agents de détérioration : les forces physiques et les polluants.

  • Les forces physiques : Les particules de mercure-argent qui forment l’image sont posées en surface de la plaque et sont donc très sensibles à tout contact physique. Le frottement le plus léger peut enlever les particules de la plaque et entraîner une perte d’image irréversible.
  • Les polluants : Comme tous les objets en argent, le daguerréotype ternit au contact des polluants présents dans l’air. La ternissure est l’altération la plus courante sur les daguerréotypes. Elle est visible sous forme d’anneaux concentriques de couleur (jaune, magenta, bleu), formés de de sulfures et d’oxydes d’argent, se développant du bord vers le centre de la plaque.

La création d’un montage est donc importante pour protéger la surface de la plaque du contact avec d’autres matériaux. Ce montage hermétique afin de protéger le daguerréotype des polluants présents dans l’air.

Tous les matériaux utilisés en contact direct avec le daguerréotype sont des matériaux de conservation, sans réserve alcaline. Les matériaux choisis passent avec succès l’Essai d’Activité Photographique (ISO 18916:2007 » Matériaux pour l’image — Matériaux pour l’image traités — Essai d’activité photographique pour les matériaux de fermeture «).

Il a été décidé de remplacer le verre de protection brisé par un verre moderne, réalisée avec des matériaux de conservation stables, car

Il est peu probable que le verre de protection cassé soit d’origine, ce pourquoi il a été décidé de le remplacer par un verre moderne.

Conclusion

Le daguerréotype stéréoscopique a maintenant un nouveau montage, fait de matériaux de conservation stables qui ont été testés et dont nous savons qu’ils n’endommagent pas les daguerréotypes. Le nouveau verre de protection et le ruban de scellage protègent le daguerréotype afin de ralentir, voire de complètement stopper la ternissure.

Avez-vous un daguerréotype dans votre propre collection ? CLC est spécialisé dans la conservation-restauration de tous les matériaux photographiques et peut vous aider à les préserver. N’hésitez pas à nous contacter et nous pourrons discuter des besoins de votre photographie.

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